Un poète invité : Jean Joubert
Jean Joubert est dessiné par Louis Hubert
Pour finir aujourd’hui là où je pensais commencer…
Quand j’ai ouvert ce blog, c’était pour parler de la Revue, mais aussi des poètes qui accompagnent mes jours. Pour assurer une présence de la poésie dans ces pages qui, sans eux, seraient bien austères.
Mon premier invité sera Jean Joubert – qui a accepté gentiment de m’envoyer des poèmes. Ceux qui suivent sont libres de tous droits, sauf l’un d’entre eux que je reproduis ici avec l’aimable autorisation de l’auteur et de l’éditeur.
J’entends, ce soir,
l’appel des loups de la forêt d’enfance
où rôdent dans la brume leurs fantômes.
Sous une lune pleine s’éveille leur clameur
d’alarme et de famine.
Avec chaînes et cordes
les portes sont fermées,
les armes luisent,
les chiens veillent dans les enclos.
L’aïeule dans la cuisine
parle d’hiver jadis dans la neige et le gel
et des sombres tueurs soufflant autour des granges
où bêlaient la peur et le froid.
Ses paroles, pour les enfants,
tissent la toile des légendes,
et c’est un loup géant
qui, dans les nuits, ravage leur sommeil.
Mais me voici, dans l’âge,
enfin réconcilié avec la Bête.
Je salue l’ardente présence
- force et splendeur -
dans la justice du poème.
Jean Joubert
***
Un jour encore nous est donné :
un jour et sa parole d’aube,
ses lèvres d’or sur les collines.
Un jour encore.
Qui remercier ?
Le ciel est vide, l’oreille close,
les ancêtres serrés dans leur étau de terre,
mais devant nous la terre est là
comme une paume ouverte
où brille la rosée,
comme une plage de lumière vers nous tendue,
vers nous qui souvent courtisons
les tourbes de la nuit.
Un jour encore.
Qui remercier ?
Remercions cette main de terre vers nous tendue
et, au delà, le corps immense deviné
dans la brume qui se déchire.
Ce sont l’écoute,
la ferveur
et la louange
qui nous sauvent.
Jean Joubert
(In « Etat d’urgence » – Editinter)
***
Ami du rat,
comme lui je dévore
les livres.
***
A l’entrée du cimetière,
assis sur la première tombe,
un chat noir me regarde.
***
Sur le sable du rivage,
parmi cent mouches vivantes,
une mouette morte.
***
Nuit d’hiver.
Dans la lueur des phares,
un lapin aux yeux rouges.
***
Hagarde, au coin du bois,
elle m’attend,
la pleine lune.
***
Silence du soir.
Sur l’ombre d’une branche,
l’ombre d’un oiseau.
***
Gémissante tourterelle,
oiseau d’amour,
plaisir perdu.
***
A la cime des sapins,
il chahute avec les branches,
le vent d’automne.
***
Soir de septembre.
Sur l’eau du lac,
la première feuille morte.
***
Forge fantôme.
Sur une enclume d’air,
le marteau du vent.
Jean Joubert
***
Celui qui marche dans la boue
n’y verra jamais que son ombre.
Celui qui marche sur le sable
parlera langage d’oiseau
Celui qui marche sur les eaux
dialogue avec les étoiles.
Jean Joubert
Aux amis de la poésie (et des Cahiers)
Bonnes fêtes de fin d’année !
Je reviens vers vous dans quelques jours…
Je ne connaissais pas Jean Joubert. Belle découverte !!!!