Les temps sont durs pour les poètes : après José Millas-Martin et Georges Jean, c’est Jean-Marc Minotte, dit Jean L’Anselme, qui vient de nous quitter à la veille, me dit-on, de son 92ème anniversaire.
Il y a un an, il m’avait envoyé trois textes pour mes Cahiers. J’ai tardé à les publier. Je me le reproche aujourd’hui. J’ai rencontré plusieurs fois Jean L’Anselme , à Rochefort en 1991, à Angers aussi, pour le colloque sur Serge Wellens. Il avait la poignée de main douce et chaleureuse ; chez lui gentillesse et humour faisaient bon ménage. La poésie prenait souvent des chemins détournés. Elle surgissait là où on ne l’attendait pas Jean L’Anselme n’arrivait pas à être sérieux, et nous l’aimions ainsi.
Les poèmes qui suivent ont peut-être paru quelque part ; personne, je pense, ne m’en voudra de saluer à ma façon le Poète qui vient de lever l’ancre pour les terres de l’ailleurs.
La fable que vous allez lire, Jean L’Anselme me l’avait confiée pour la revue « Liaisons poétiques » que je publiais avec mes élèves d’Ingrandes-sur-Loire, en 1991.
L’était une fois
un roi de Crête
se prenant pas pour un crétin
mais pour le Pape Léon VI
convaincu
dans son latin
- Dieu lui pardonne –
d’en valoir six
chez les Léon
grâce à son six !
Ainsi son peuple
le surnommait
par déduction
Léon six trônes !
On avait beau lui expliquer
que ça marchait
comme les Pie
de Pie en Pie…
de tout cela il en fit fi.
Moralité
Il est aussi difficile de convaincre un âne
qu’il a de grandes oreilles
que de persuader une saucisse
qu’on peut la prendre pour une andouille.
Jean L’Anselme
Curriculum vitae
Je prends toujours la précaution de dire à ceux qui m’écoutent que, petit paysan du Nord de la France, j’ai appris à lire et à écrire derrière le cul d’une vache, car nous n’en avions qu’une. La fortune, dans le pays, se calculait au nombre de vaches. La nôtre s’appelait Agnès, du nom d’une cousine avec laquelle nous avions eu des mots.
Tout cela se passait au début du siècle dernier, où il n’y avait pas encore l’électricité. On s’éclairait à la chandelle ou au quinquet. Cela explique que, malgré mes 18 lustres, je ne sois pas encore une lumière.
Jean L’Anselme
Roman
(A Arthur)
On n’est pas sérieux
quand on n’a plus vingt dents
ni reins beaux et des soucis vers l’aine
Quand on n’a plus vingt dents
et que chahutent vos lustres éclatants
dans vos boyaux en marmelade,
on prend goût à la rigolade.
Jean L’Anselme
Bonne année à tous !
Les numéros 15 et 16 des Cahiers de la rue Ventura vous préparent de belles surprises…
Sortie du n° 15 au début de mars 2012. Le 16, ce sera pour Juin.