La lettre de janvier 2013.
Au sommaire :
Bonne année
Des nouvelles de la Revue
Des nouvelles d’un ami poète
Une curiosité maintenant
À paraître en 2013
Une autre curiosité
Prochainement…
Bonne année à tous ceux qui visiteront le blog ces prochains jours.. Vous l’avez vu, il y a du nouveau. Le n° 18 est sorti en décembre. Vous avez pu en lire le sommaire.
Sur son mur de Facebook, Bruno Doucey formule le souhait « que le chant des poètes apaise le tumulte du monde ». Et un de ses amis propose, sur le modèle du verbe « s’aimer », le néologisme « s’amitier ». Je suis heureux que ma revue, non seulement m’ait amené des amis, mais aussi qu’elle ait créé parfois des liens entre lecteurs et auteurs. Les courriers que j’ai fait suivre de temps en temps ont permis à quelques-uns de s’amitier.
Des nouvelles, de la Revue…
Du n° 17, dans lequel le dossier Lavaur occupait presque toutes les pages. Un succès, puisque nous avons dû faire un 2ème tirage. Claude Vercey (sur le site de Décharge) lui consacre son I. D n° 419 : « … Cl. C. en maître de cérémonie, nous introduit tour à tour aux diverses contributions, évoquant l’éditeur, le revuiste et le poète, mais aussi l’enseignant et le collagiste. La fidélité (de Lavaur) à l’enfance et aux racines terrienne, paysanne, montagnarde, occitane et orpheline y est heureusement soulignée. »
Du 17, toujours, sur le site de Texture, Georges Cathalo écrit : « Sans esbroufe, Cl. C. sait structurer sa revue, choisir des poèmes de qualité et dresser des dossiers. C’est ainsi que sa revue occupe une belle place dans l’univers complexe de la poésie vivante ».
Merci, Georges. Et à Yannick Torlini qui, parlant du n° ,18, salue au passage les contributions de Bernard Grasset, Jean-Marie Alfroy, Anne-Lise Blanchard, et le travail du directeur de la Revue – lequel, on l’a peut-être oublié, avait eu le front, pour le premier numéro consacré à Julien Gracq, de rédiger tous les textes !
Mais revenons au n° 17. P. A., qui a beaucoup publié dans la revue Traces, et participé au dossier Lavaur, m’écrivait : « Je trouve ce numéro excellent. Pour son contenu, bien sûr, mais également pour l’originalité dont vous avez su faire preuve dans son ordonnance et ses enchaînements. J’ai eu, grâce à vous, le sentiment d’accompagner Michel au fil des pages, d’être quasi à ses côtés, de reprendre en quelque sorte une conversation avec l’intéressé ». Il est agréable pour moi de lire cela, parce que c’est bien ce que j’avais voulu faire en construisant ce dossier, qui ne ressemble pas aux autres précédemment publiés dans les Cahiers. Tous sont différents, Et, curieusement, celui dans lequel je suis le plus absent, c’est le spécial Reverdy ! Les contributions ont été tellement nombreuses que le biographe du poète s’est effacé pour laisser la place.
Les numéros 8 (Dossier Reverdy), 17 (dossier Lavaur) et 18 (poésie) sont encore disponibles (6 € l’ex. port compris ; à l’adresse des « Amis de la rue Ventura » 9 rue Lino Ventura – 72300 Sablé-sur-Sarthe.
Philippe Jaffeux, que nous avons déjà publié dans les Cahiers, vient de créer son site, Voici l’adresse : http://www.philippejaffeux.com/
Une curiosité, maintenant…
Georges de La Tour est mon peintre préféré. Marcel Arland me le fit connaître et apprécier dans les années 1970. Je me rappelle cette lettre dans laquelle il me conseillait d’aller voir une exposition, en même temps qu’il proposait dans la NRF d’août 72 des « lectures » des tableaux du Lorrain signées Guy Rohou, Jean Grosjean, Antoine Terrasse, etc.), ajoutant : « Qu’est-ce que l’homme, enfin ? C’est la question que La Tour se pose de plus en plus intensément à travers son œuvre. » Je reviendrai sur le peintre…
Aujourd’hui, le récit d’une curieuse expérience…
En septembre 2012, je reçois un exemplaire d’auteur de Littérales n° 9. Patrice Fath a eu la gentillesse d’y publier mon expérience de réécriture d’un poème ( « Traces », paru en 2011 sous forme d’un dépliant illustré par M. T. Mekahli).
Quelques strophes ici, choisies pour leur résonance profonde dans la mémoire de leur auteur à chaque fois qu’il les lit :
Une voix pleure dans la nuit
Enfant perdu si la rivière
en bas qui bouillonnait son eau
ouvre l’abîme de l’absence
L’air pleut Dans l’heure qui crachine
(menu son flux lisse à l’oreille)
quelqu’un traverse ma présence
Une ombre explore mes silences
L’oiseau crie au fond de la nuit
La mort se fait proche Le ciel
flamboie crépite (tant de guerres
dans la mémoire de l’enfant)
L’homme sourit sur la photo
Des vies usées des chaises vides
Près des sépulcres l’enfant seul
mais que des ombres accompagnent
Sa main caresse le marbre où
les doigts de la mort se posèrent
Il y eut quatre poèmes sur les mêmes thèmes, nés des mêmes émotions. Différents cependant, parce que, entre les moments d’écriture, l’auteur avait continué de vivre, et qu’à chaque fois il n’était plus le même.
(Le dépliant, illustré, est encore disponible contre 6 €, port compris (commande aux « Amis de la rue Ventura »)
Mais je me suis un peu égaré. Revenons à ce numéro de Littérales. Aux poèmes venaient s’ajouter quelques pages de tableaux, non figuratifs, d’Isabelle Clément, peintre du Nord de la France. Je ne sais pourquoi l’un d’eux, soudain, m’a attiré, retenu plus qu’il n’était raisonnable. Il s’en dégageait une atmosphère étrange. Je fouillais les profondeurs du tableau, interrogeant lignes et couleurs ; et voilà qu’elles me parlaient, à moi que l’art abstrait n’a jamais intéressé, parce que j’y flairais toujours une sorte d’escroquerie. J’ai pris mon stylo et je me suis mis à écrire. Un long poème. Pas du tout dans mon style habituel. Des vers qui s’allongeaient à ne plus finir, comme la phrase, chargée d’adjectifs, de verbes, pour tenter de décrire l’indescriptible, cet univers mystérieux que mon regard percevait au-delà des apparences. Une horreur ! aurait dit mon vieux maître, qui me conseillait toujours la concision.
Le poème – regard sur un tableau – se trouve sur le site du peintre, dont voici l’adresse :
Quand vous serez sur le site, cochez « Galeries », puis « Rencontre avec Claude Cailleau ». Vous y serez.
A Paraître prochainement : « Cocktail de vie », une anthologie de mes publications de la dernière décennie. Le temps semble venu, du retour vers le passé et du bilan.
Vous serez prévenus, bien sûr, lors de la sortie du livre.
Une autre curiosité. Elle l’a été pour moi aussi quand j’ai retrouvé ce texte, paru il y a quelque quinze ans dans « Poésie entre amis », un périodique publié par Serge Lardans, un poète, humoriste à ses heures, bien oublié aujourd’hui mais dont Louis Delorme et quelques autres se souviendront certainement.
Un texte qui fera peut-être « crier » mes lecteurs, comme j’ai fait crier quand j’ai dit, et publié, que je n’aimais pas Baudelaire. (J’ai eu sur le sujet un échange passionnant avec mon ami François – lequel ? direz-vous : j’ai plusieurs amis prénommés François. Peu importe. Je publierai un jour cet échange, s’il le veut bien.)
Le texte qui suit était paru sous le titre « Confession publique ». Le voici, nanti d’un sous-titre (« Paroles vieillies ») parce que je ne suis pas sûr que, le rédigeant aujourd’hui, j’écrirais la même chose.
Toi qui toute ta vie auras cherché si ce que tu venais d’écrire pouvait s’appeler POÉSIE,
toi qui auras douté sans cesse, scruté d’un œil perplexe ce que ta main venait de laisser échapper sur la feuille blanche maintenant souillée (car tu écris mal, d’une plume nerveuse, incontrôlable, ce qui avait le don d’irriter tes vieux professeurs grincheux),
toi qui n’as cessé de lire ces lignes interrompues – par quel hasard ou quelle volonté bien informée ? au nom de qui ? au nom de quoi ? – sans arriver à résoudre l’énigme du poème,
toi qui ne cherchais dans cette quête vaine qu’à gagner enfin une certitude qui t’eût débarrassé de tous tes complexes – écrire des poèmes, quelle activité ridicule ! le poète, quel doux dingue, toujours à aligner des mots qui ne servent à rien ! et toi, fou, qui tentes de l’imiter, prétentieux singe savant ! –
toi qui continues pourtant d’écrire, acharné à trouver ce qui sans doute ne peut l’être,
toi qui as écouté Cadou, feuilleté Éluard, contemplé Ponge, interrogé Char, entendu Aragon, sondé Reverdy, pris un baind’exotisme avec Saint-John Perse, voyagé avec Cendras, déliré avec Desnos, suivi Jean-Claude Renard dans sa quête mystique, cheminé enfin avec beaucoup d’autres,
Cadou le sensible malgré lui (que peut-on contre cela ?) empêtré de sa croyance involontaire en Dieu (ou qui feignait), pas modeste, grincheux peut-être même, envieux des camarades mieux traités dans le monde des lettres, qui croyait en lui plus que dans les autres, qui sans doute n’aimait pas l’enfant quoi qu’il en dît, Cadou qui t’enveloppe dans les plis de son lyrisme forcené,
Éluard le revanchard du Rendez-vous allemand, le simple, le banal chantre de la vie quotidienne, de l’amour, des questions qu’on se pose à soi-même sans jamais y répondre, Éluard le maître d’une « poésie ininterrompue », le sincère aussi, qui avouait la stérilité parfois de la recherche poétique, ayant sondé jusqu’à « la pierre vide »,
Ponge que tu laisses ramasser les morceaux de sa cruche, sonore et vide, débris « navrants et dérisoires » (on n’en fera pas une histoire !…) Ponge que tu abandonnes, fouillant la terre en quête d’une racine d’œillet , Ponge dans l’instant croyant que sa « recherche pourra être appelée poésie »,
Char, qui te fascinait, colosse aux pieds d’argile, acharné, te disait son ami, à glisser de l’obscur dans la lumière, mais qui disait si bien, sans musique, la vie et les hommes,
Aragon, qui se demandait ce qu’il fût devenu sans Elsa et qui devint un autre, Aragon qui célébrait, pour que l’on se souvienne, sa « France de lumière » et ceux qui avaient souffert la mort dans les camps allemands, Aragon le vieillard désabusé, masqué, serein, poète en son moulin, couché pour le futur sous le vieil arbre, en haut la prairie, avec sa glaçante compagne,
Reverdy (Ah, le vieux misanthrope prétentieux dans sa certitude d’avoir produit des chefs-d’œuvre !) égrenant ses mots en petites touches (fragments de décor mais toute une atmosphère) le projecteur braqué sur une ombre, un pan de mur, une haie, paysan de la ville avec sa veste de gros drap, le cache-col blanc, pour toi plus homme que poète,
Saint-John Perse, le prince d’un monde sans horizons, que tu suivais dans les accordailles de l’eau, de la terre, du ciel et des arbres parlants, Saint-John Perse marchant sur les grèves de son enfance choyée,
Jean-Claude Renard enfin, l’élégiaque, le mystique, qui t’entraînait malgré toi dans sa quête de l’être, à la poursuite de l’obscure raison de vivre, Jean-Claude Renard le modeste, le silencieux, le tourmenté devant le grand Mystère,
Tous ceux-là et beaucoup d’autres, des vieux, reconnus, chenus, arrivés aux frontières, et des plus jeunes, qui attendent encore un satisfecit – des modernes comme on dit (mais de quelle modernité ?), qui ont l’air de savoir, qui le croient puisqu’ils écrivent et ne craignent pas d’en parler, prétentieux brasseurs de vent,
tous ceux-là, tu les as lus et relus ! Mais que sais-tu, au bout du compte, de la Poésie ? Toi qui prétends en écrire, dis, que sais-tu de la Poésie ?
Claude Cailleau, novembre 1999
A tous, pour finir, Je souhaite une heureuse année 2013. Et si cette page appelle de votre part un commentaire, il y a sur le blog un emplacement pour cela. A vos claviers, donc…
Bientôt sur ce blog, d’autres réflexions sur l’écriture de la poésie. La poésie rimée nous semble dépassée, le vers libre mal utilisé par des poètes qui écrivent sans avoir eu, au préalable, une réflexion sur leur art. Sans fausse modestie, nous continuerons de proposer, à travers les échanges que nous avons dans le cadre de la Revue, notre conception de l’écriture poétique. A bientôt, donc.
La photo ci-dessous, c’était dans les années 1970 – ma période yéyé ! Vous la retrouverez, je l’espère, en 4ème de couverture d’un de mes livres à paraître en 2013.