La lettre de l’automne 2013
Bonjour à tous les fidèles du blog, puisqu’il paraît qu’il y en a. Un relevé des visites a fait apparaître un pic de 27 en une journée. N’en demandons pas plus.
Depuis l’édition de la dernière page, le « Sphinx de Sablé » (voir « Cocktail de vie ») a été très sollicité :
En septembre, Roland Nadaus me consacre deux séquences sur RCF 61. Dans la première, présentation de mon travail, entrecoupée de lecture des mes poèmes par Simone, sa femme. Dans la deuxième, un entretien : il m’interroge sur mon métier (pour ceux qui ne le savent pas encore, j’étais prof.), mes lieux de vie (la Bretagne en est un), mes maîtres (si je peux dire) ; et nous parlons des Cahiers de la rue Ventura, avec, encore, des coupures pour quelques lectures.
L’émission a pour titre « Dieu écoute les poètes ». Elle est podcastable. Vous pouvez écouter en allant sur le site : http://www.rcf.fr/radio/RCF61
En octobre, Christian Saint-Paul, de Toulouse, s’entretient avec moi. Conversation coupée de lectures, cette fois encore. Pour écouter l’émission, rendez vous sur le site http://les-poetes.fr/
Et les salons, au printemps et en été, ont occupé les week-ends. Ci-dessous, vous me voyez à mon stand, dans le village de Brettes-les-Pins, photographié par Simone Rebeyrat-Villars, de Parigné-L’Évêque (tous droits réservés pour la photo !)
Ah, l’automne !…
Tu as vieilli
Te voici souvenir
Tu deviens histoire
Calcaire
Un jour
Tu seras mémoire
(Guénane) http://www.guenane.fr
Nous avons été très heureux d’accueillir Guénane dans le Cahier 21, avec « Larmoire », un poème habité par les mystères de l’enfance.
Voilà que les feuilles de notre voisin l’érable envahissent le toit et commencent à boucher les gouttières. Je me sens vieux soudain, à l’idée de prendre l’échelle…
« Non, décidément, je ne m’habitue pas à la vieillesse, pas plus à la mienne qu’à celle des autres… » (Sido à sa fille dans « La Maison de Claudine)
« Je ne sais qu’une chose, c’est que je meurs depuis que je suis vivant ». (Jean Rousselot, lequel a quand même vécu pendant plus de 90 ans)
Et, avec raison, Maeterlinck : « C’est en cessant de vivre que nous cessons de mourir ».
Pas gai, tout ça ! L’automne et la pluie sont pour quelque chose dans le gris de mes pensées. Je préfère l’humour de ces deux propos :
« On survit à toutes les morts, sauf à la sienne » (Jean-Claude Demay), auquel fait écho : « Si tu attends longtemps, tu verras le cercueil de ton ennemi passer devant ta porte » (Proverbe arabe, m’a-t-on dit).
La revue, maintenant
Le n° 22 est chez l’imprimeur. Eh, oui, maintenant, nous faisons imprimer. C’est raisonnable : avant de prendre cette décision, nous avons usé trois imprimantes !
Dans ce 22, de très beaux textes de Jean-Jacques Nuel, Jean-Claude Tardif, Joël Jacquet, Jeanine Salesse… Je ne peux citer tout le monde : reportez-vous au sommaire, sur la première de couverture que nous avons numérisée pour vous. Ce n’est pas très loin sur cette page : vous trouverez bien.
Le numéro a pour thème : « Poètes d’ici et d’ailleurs ». À juste titre, puisque vous trouverez, traduits du persan, des poèmes de Karim Radjab Zadeh. Preuve que notre revue se mondialise.
En plus des chroniques habituelles, une modeste « revue des revues » (modeste, faute de place) et l’annonce qui intriguera plus d’un lecteur : « Des changements s’annoncent dans les Cahiers. Affaire à suivre… »
Rassurez-vous : la Revue est bien vivante. Je me suis aperçu que, malgré les temps moroses, nous avons gagné des abonnés ! Chaque trimestre, nos cahiers partent vers 112 lecteurs. Le reste s’écoule dans les salons. Nous avons deux dossiers à paraître en 2014 : nous parlerons de Bernard Grasset en mars et de Pierre Garnier en juin. Et déjà nous pensons aux dossiers de 2015 : Simonomis et Jean-René Huguenin. Vous ne connaissez pas ce dernier ? Il n’a pas eu le temps de s’inscrire dans la durée ; la mort l’a fauché à 26 ans sur une route de la région parisienne, non loin de Rambouillet. Il n’a eu le temps d’écrire qu’un roman, son journal et quelques textes. Mais il a pris dans ses filets Julien Gracq (dont il fut l’élève au lycée Claude-Bernard) et François Mauriac dont il fut un moment le « fils spirituel ». Il se trouve que Jean-René Huguenin aurait mon âge, puisqu’il était né en 1936. C’est sûrement pour cette raison que sa mort en 1962 m’avait ému. Nous en reparlerons.
S’agissant de la revue, quelques fragments d’articles ou de lettres…
« Depuis cinq ans, Claude Cailleau, son épouse Huguette et son Comité de rédaction proposent 4 numéros annuels d’une revue généreuse, dense et fraternelle… Il y a chez (le) revuiste un louable respect du lecteur, respect qui se retrouve dans les détails de ce travail artisanal et bénévole… » (Georges Cathalo)
Et « Je pense que la revue est une œuvre ; la mener, c’est consacrer son temps, sa passion à construire une identité… Elle est belle aussi, la trace des écrivains qui mêlent leurs voix dans les pages des revues pour que la littérature existe ailleurs que dans les livres, dans un condensé fragile et clair… Je pense aux heures consacrées à rassembler, trouver un ordre, sélectionner. Et ce qui fait que le texte écrit se perpétue pour que nous puissions encore le lire et le parer de nos interprétations, de nos élans de lecteurs et découvrir ainsi, parfois, une voix qui nous appelle plus qu’une autre. »
Merci, Isabelle, d’avoir compris et si bien traduit les soucis, les bonheurs du revuiste.
Voici le sommaire du n° 22.
Encore le vers libre…
Dans l’I.D. n° 469, Claude Vercey pose à nouveau la question : « Pourquoi allez-vous à la ligne ? » Vous avez compris qu’il veut parler du vers dit libre. Je l’ai donc invité à relire, sur mon blog, la page d’août 2012. Aussitôt le mail est arrivé : « Si tu esquisses une réponse (à ma question) je suis intéressé. » Il faut dire que j’avais critiqué (c’est facile) sans proposer de solutions. J’ai promis d’y réfléchir. Et, feuilletant « Le Chemin des livres » n° 25, je tombe sur quelques vers de Gérard Pfister cités par Gérard Bocholier :
j’apprends
à m’oublier
je compte
chaque
herbe chaque
étoile
Je laisse à votre appréciation ces six vers et leur disposition.
Comme en écho, dans un courriel, François Huglo m’écrit « … le débat sur le vers libre a eu lieu à la fin du 19ème siècle et au début du 20ème. On pourrait même affirmer qu’il a eu lieu dans le parcours de Rimbaud. D’autres, bien sûr, ont repris la question à leur compte et lui ont apporté des réponses personnelles, de Baudelaire à Aloysius Bertrand, de Mallarmé à Reverdy, d’Apollinaire à Tzara, etc. Et vous avez raison de reposer la question pour secouer un peu l’habitude paresseuse prise par beaucoup (par la plupart ?) d’aller à la ligne sans autre nécessité que le désir de signaler, faute d’avoir moyen de le faire, qu’on est poète et qu’on écrit des vers… Vous avez raison de reposer cette question que, précisément, l’habitude paresseuse refuse de se poser. Et l’exemple que vous citez (dans la page d’août 2012) est éloquent, même si la phrase, disposée ou non en vers, ne l’est pas puisqu’elle ne fait que re-sucer un mystère en boule de gomme remâché depuis deux siècles par des mâchoires autrement vigoureuses, et ramolli jusqu’à l’inconsistance. On ne se demande pas seulement pourquoi dire ça en vers, mais aussi pourquoi dire ça. Je ne sais si c’est de « la vraie poésie », mais je constate que c’est insipide et peu nutritif.
Et moi, quelque part : « Il y a tant de prétention chez certains poètes que cela vous dégoûterait de travailler pour la poésie. Simonomis ne disait-il pas que parmi les auteurs qui lui envoyaient des poèmes, il y en avait qui ne « se prenaient pas pour des cacas de biques ». Il était poli.
À tous, un bel automne ! Et gardez-vous de l’ennui. Ne vous laissez pas pourrir par le temps.
Dans mon dernier livre, j’ai écrit : « Le temps n’est qu’une création de l’homme ».
Et ailleurs :
Que passent les heures !
Les fleuves vont à la mer
Et nous dans le temps.