Les Cahiers de la rue Ventura ont entamé leur septième année…
Si vous souhaitez nous proposer des textes, envoyez-les au rédacteur en chef de la revue, à l’adresse informatique suivante :
Les commandes sont reçues chez
Les Amis de la rue Ventura
9 rue Lino Ventura
72300 SABLÉ-SUR-SARTHE
Vente au numéro : 6 € port compris.
Abonnement annuel (4 numéros : 22 €)
Chèques à l’ordre de « Les Amis de la rue Ventura ».
Le CRV 25 est paru au début de septembre.
Au sommaire,
le dossier Chanter la poésie, avec des textes de Éric Simon, Yves Le Marchand, Michel Passelergue, Jean-Marie Alfroy, Paul Dirmeikis ;
vers et proses de Éliane Biedermann, Éric Chassefière, Jean Chatard, Jean-Claude Demay, Bernard Gueit, Michel Lautru, Ivan de Monbrison, claude Serreau, Sydney Simonneau, Frédéric Vitiello ;
et les chroniques habituelles signées Michel Passelergue, Jacques Demaude, Ghislaine Lejard, Monique Labidoire, Claude Vercey.
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Raymond Michel
Au début de l’année 2013 me venait une lettre d’un inconnu me demandant quelques informations sur mes livres. Je m’empressai de lui répondre. S’en suivit un échange, trop bref hélas, puisque Raymond Michel est décédé cette année – octogénaire, mais on meurt toujours trop tôt pour ses amis. J’avais eu le temps de lui offrir quelques-uns de mes livres pour répondre à sa curiosité. Il avait fait écho à mon envoi en des termes tellement chaleureux que je nous croyais partis, tous les deux, pour une belle croisière sur les terres d’amitié de la poésie.
En décembre, il me disait le plaisir qu’il avait éprouvé à la lecture de mon récit Et je marche près d’Elle paru en 2013 aux Éditions Durand-Peyroles.
« Cher ami, écrivait-il, je suis très heureux de cet échange amical qui a paru s’imposer soudain. Il y a ainsi d’heureuses rencontres. André Breton y aurait vu un signe… Je suis – je vis en ce moment – dans « Et je marche près d’Elle », essayant de vous suivre pas à pas, et ce n’est pas toujours aisé. Mais je me sens bien sur ce chemin : je savoure, je vais en arrière, reviens à la page, tantôt dans la classe où vous enseigniez, tantôt dans celle de votre instituteur, ou sur la route avec Elle et vous, ou à votre table, et des fenêtres s’ouvrent de partout sur l’attente, sur une enfance perdue et retrouvée, sur l’intensité du non-dit à travers le dit. Je m’y sens bien car c’est se retrouver avec soi… Votre livre me fait retrouver une certaine écriture que je croyais perdue, dans une forme qui vous est propre mais qui me ramène à certaines délices des lectures de ma jeunesse. Où retrouver de nos jours pareille finesse du sentir, qui fait aussi le style où naît l’émotion chez le lecteur – quand chez l’auteur, le style naît sans doute de l’émotion ?
… Ayant lu d’autres ouvrages de vous avant celui-ci, certains de ces personnages m’étaient déjà familiers. Ils vous auront donc toujours habité ? Par je ne sais quel prodige vous leur aurez donné cette force de vie qui les rend capables de venir habiter votre lecteur. Et cela je crois, n’aurait pu se faire dans un récit sans zones d’ombre… »
Qu’ajouter à cela, sinon que j’ai ressenti la mort de Raymond Michel comme la disparition d’un ami de toujours ?
Pour rendre hommage, non seulement au fin lecteur mais aussi au poète publié deux fois par les Cahiers de Poésie Verte, voici quelques vers extraits de ses livres :
Toi
Ce qui m’est le plus moi
M’est le plus autre
Où je me reconnais
Je me manque
Je me trouve
Dans l’inconnu qui est toi
Toute aile déployée est mon mystère…
Où va l’oiseau ?
Par la rencontre
Voici
Que chacun échappé de soi
Se fait l’autre
Et voici
Que l’autre est cette plus vaste étendue
Où l’aile se délivre
L’autre : l’espace ouvert où je n’ai plus de nom.
***
Hors de mon pas
Il n’est pas de chemin
Rien ne se peut abstraire
De mon acte :
Je suis un
Hors de mon œuvre
Il n’est pas de parole
Je suis en elle au monde
Naissant au dire
À chaque mot
Nul ne se risque ici
Totale est l’aventure
Il n’est personne hors d’elle
Qui s’y jette
Préexistant.
***
Et, dans une belle langue poétique qui rappelle Paul Valéry, voici quelques vers de son dernier livre « Braises ou l’aile sous la cendre »…
Lavé, roulé, poli, puis vomi sans mémoire,
Te voici, galet nu, vierge de tout grimoire,
Qu’ont adouci les eaux dans la main de l’amour,
Lisse contre la joue où s’endormit le jour…
Bordant le lit de l’ange, un fleuve lent s’écoule
Qui s’évase au rivage où s’évide le moule
Dont tu t’empreins, vie une, au seuil de ton séjour.
Raymond Michel
Relisant ces vers, je me dis que, peut-être, ils ne vous parleront pas comme à moi. C’est que j’ai trouvé là une approche voisine de la mienne lorsque je suis en attente devant « le vide papier que la blancheur défend ». Et que nous sommes tous différents. Lisez Raymond Michel : je suis sûr que vous aimerez sa poésie.
J’aurais volontiers dédié à l’ami disparu cette petite prose (poétique ?) parue dans mon « Cocktail de vie ». Mais elle a déjà pris sa forme définitive dans un livre… La voici, cependant, diminuée d’un paragraphe.
Les mots de la mer
Quelque part au Port-Louis, dans la crique d’automne ouverte au large, aux tempêtes, j’ai ramassé un vieux galet apporté là par la marée…
Chantera-t-il encore, ce galet de misère, granit roulé, frotté, usé dans le délire des tempêtes, chantera-t-il encore si je le sollicite, un soir de neige, dans mon village perdu quelque part dans la campagne et les années ?
J’ai ramassé ce vieux galet, doux à mes doigts comme une peau de fille, comme une peine qui s’épuise à vieillir, et voilà maintenant qu’au creux de ma main c’est la Bretagne qui s’attarde et me retient, paisible dans le soir, au clapot de sa vague.
Claude CAILLEAU
(In Cocktail de vie, Éditinter, 2013)
Ce galet n’est pas là pour rivaliser avec celui de Raymond Michel ; seulement parce qu’il m’a semblé que nous nous étions rejoints dans la même émotion poétique.
Et, pour finir, alors que le ciel de pluie nous oblige à allumer les lampes au milieu de l’après-midi, voici Louna, Cavalier King Charles (7 ans, déjà), le génie du lieu, sur les genoux de son maître, pour un petit moment de tendresse…