( 29 mars, 2015 )

Blog printemps

Les Cahiers de la rue Ventura paraissent au rythme d’un numéro par trimestre.

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Lavaur

Michel-François Lavaur

 

Je ne me rappelle plus la date. C’était il y a longtemps ; MFL nous avait prévenus, simplement, dans un numéro de Traces : il était malade. Mais il continuait. Puis cette maladie contre laquelle il luttait chaque jour avait fini par triompher. Il abandonnait. C’en était fini de Traces, sa revue, dans laquelle nous avons tous publié, toujours informés des décisions prises par un bref message avec le rituel « Amitié et vœux permanents » écrit au crayon de bois sur des papiers jaunis par le temps, transparents parfois.

Une dernière fois les poètes de la revue avaient été réunis dans un ultime numéro, le 176, qui restera dans les mémoires de tous ceux qui ont participé, un bel hommage au facteur de Traces, qui œuvrait  dans sa fourbithèque de Sanguèze.

La maladie a triomphé. Michel François Lavaur s’est éteint le lundi 23 mars 2015. Bonne route, Poëte, sur les chemins éternels de la Poésie.

Un jour, Lavaur m’avait envoyé un texte dactylographié, orné de multiples corrections à la main parce que les touches de la vieille machine à écrire avaient refusé d’imprimer des lettres parfois, ou des mots. Ce texte, intitulé « La Marquise des Angles », j’avais toujours eu projet de le publier dans ma revue. Je l’ai égaré un moment dans le fouillis de mes archives. J’ai passé une journée à le chercher dans des dossiers, des piles de papiers… et fini par le retrouver  sur mon bureau ! caché dans une chemise cartonnée, tout près de ma main gauche. Preuve que j’avais bien l’intention de le sortir de son silence. Le voici, en hommage à l’ami qui vient de nous quitter. Il est superbe. Personne n’a parlé des animaux mieux que le poète de Sanguèze. Voici, donc, l’histoire de

La Marquise des Angles.

Il remontait de l’enfance, noir aux yeux verts. Pourtant, la jeune femme qui étendait le linge au fond du potager, quand il se frotta, miaulant à ses chevilles, le rejeta par-dessus la murette.

Le grand chien de garde et les cinq pondeuses, après la chèvre et le chat roux, les lapins et les coqs, tous membres de l’arche vacancière, dans une smalah invraisemblable, suffisaient désormais aux choix de la famille, la fraternité animale avec les bêtes du bocage.

Deux fois, il tenta de séduire la femme qui le repoussa, mais à la troisième elle accepta de le conduire à la maison, parce qu’il arrivait de l’enfance.

(Elle avait, gamine, recueilli un chaton de cette couleur, un de ces chats que ceux qui n’osent les occire abandonnent sur le parvis, à l’attention des bonnes âmes en veine de charité, les chats de la messe ; mais quelques mois plus tard il avait disparu, malgré les pleurs et les recherches.)

À la cuisine, il dévora des poissons frits, tous les restes, et une grande bolée de lait tiède.

(Par quels chemins venait-il dans ce clos, en dépit du molosse ; et comment savait-il que ce cerbère apprendrait l’accueil et le bon voisinage, lui le vagabond, haret peut-être.)

Rassasié, il montra sans honte qu’il n’entendait rien aux vertus de la civilité, posant sa crotte sur le couvre-lit et son vomi sur la moquette.

Il fut porté dans la remise, sur les clapiers, parmi les fanes et les foins.

Il devint chatte. Fut nommé Réglisse. Éleva quatre bestioles multicolores, sans jamais gronder, griffer moins encore, à l’approche prudente de ses nouveaux amis.

Elle vécut six mois en sauvageonne, attendit six semaines la fin des vacances.

Au retour, on tenta une lente gageure, un apprentissage, une éducation patiente et respectueuse.

Elle apprit même les caresses, au bout de trois ans de refus polis, d’esquives et de réticences, mais fit toujours patte de velours aux bipèdes nus qu’elle s’était choisis.

Maintenant, elle est sûre, encore que craintive et fuyant les visiteurs, d’avoir trouvé la terre promise.

Elle aime partager l’oreiller de sa maîtresse et crie moins « Léon » pendant les vacances au pays natal du pilote.

La famille humaine, désormais, habite chez elle.

C’est la déesse lare du foyer autour duquel patrouille Ulysse.

À cause de son goût pour se frotter aux encoignures, de sa robe soyeuse, elle est devenue Réglisse, Mélanie de Vibrisse, Marquise des Angles, mais répond, sans se départir de sa nonchalante élégance, à divers sobriquets.

Elle prend la pilule et a ses préférences, parmi les boîtes de conserve, et les croquettes du gros loup qui cohabite avec elle jusqu’à la laisser chaparder dans sa gamelle, à force d’intelligence et de tolérance bourrue mais bonasse.

Elle vous envoie son salut tacite depuis la rocaille où elle guette les sorties des mulots, tandis que j’écris ces lignes au frais sur la terrasse, parmi un concert d’oiseaux crépusculaire que l’anche émue des rossignols prolongera dans la nuit claire.

                    Michel-François Lavaur, Petit élément pour un bestiaire, Argos

 

Et le poète, narquois, de nous murmurer à l’oreille : « Même en anthologie / ton merveilleux poème / ça ne sera jamais / qu’un truc sur un machin » .  In L’œil d’isis, où l’on trouve aussi : « Même si tu vis sentant le souffle de la muse animer ta plume, où sera ton ode dans un siècle ? »

 

 

( 14 mars, 2015 )

La page de mars 2015.

Des nouvelles de la revue, d’abord.

Vous savez que nos Cahiers (les CRV, n’en déplaise à quelques-uns, qui nous ont dit ne pas aimer ce sigle), nos Cahiers sont gérés par une association loi 1901.

 

Attention :

Si, je le répète, les textes doivent être envoyés à l’adresse suivante :

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tout ce concerne la gestion de la Revue (demandes de renseignements, abonnements, commandes au numéro…) doit arriver à l’adresse informatique

< amis.rueventura@hotmail.com >

et ça, c’est nouveau, installé pour ne pas encombrer ma boîte mails personnelle.

 

CRV 27 vient de sortir des presses, avec

un dossier : Simonomis, avec des textes de Guy Chaty, André Doms, Jean Chatard, Alain Lacouchie, Jean-Marie Alfroy, Roland Nadaus, Jean-Paul Giraux, Gérard Cléry, Michel Passelergue,

des poèmes de François Baillon, Pierre Borghero, Ferrucio Brugnaro, Danièle Corre, Michel Diaz, Jean-Michel Jouan, Benoît Pichonnier, Christiane Prévost, Line Szöllösi,

des pages d’enfance de Bernard Fournier et Jacqueline Persini-Panorias,

le journal poétique de Michel Passelergue,

Lire et Relire… Bernadette Throo, par Jean-Claude Coiffard,

la revue des revues et la chronique de la rue Ventura.

 

Le Printemps des Poètes sévit actuellement, sur un thème dans lequel je me sens peu à l’aise. Je n’aime pas la violence, même en paroles, fût-elle justifiée.  Une revue bretonne sur la Toile propose deux strophes du poème Liberté d’Éluard.

Savez-vous que ce poème ne fut pas composé pour chanter une liberté dont les Français étaient privés en 1941, mais pour dire son amour à une femme ? Curieux changement de destin d’un écrit qu’Éluard rangeait parmi les « poèmes de circonstance « En composant les première strophes … je pensais révéler pour conclure le nom de la femme que j’aimais, et à qui ce poème était destiné. Mais je me suis vite aperçu que le seul mot que j’avais en tête était le mot liberté. »

« … Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté »

Relisez l’ensemble du poème : vous verrez qu’il s’adressait vraiment à une femme, et qu’on aurait bien pu trouver Nush à la place du mot Liberté.

(pour les sources, Paul Éluard, Œuvres complètes, tome II, Bibliothèque de la Pléiade, édition de édition de 1968, page 941.)

Dans la même revue, Liberté illustré par Fernand Léger, paru après la guerre dans cette collection que Pierre Seghers appelait, je crois me souvenir : Poèmes objets.

 

Un moment d’émotion : je reçois Face à mon rêve, de Jean-Paul Mestas, recueil posthume publié aux Presses littéraires par Christiane, sa femme en janvier 2015.  Un univers de poète, dans lequel on se sent chez soi…

 

Pour finir

 

Vous attendiez tranquillement,

la mort n’était pour vous

que le terme d’un épisode

à l’itinéraire imprécis

 

en peu de mots courants

les adieux se sont écartés

du tertre de la fin

puis les regards ont disparu…

 

Des poèmes

 

Des poèmes je n’en ai plus

pour enjoliver vos chimères,

en vérité

mon temps s’éloigne…

 

à peine un petit lot de rêves

avance-t-il au bras des heures…

 

Jean-Paul Mestas

 

 

Que dire encore ? Ah, oui…

 

Les Amis de la rue Ventura publient,

de Claude Cailleau : Crépuscules.

 

L’auteur annonce qu’il ne publiera plus de livres de poésie, après celui-ci.

 

Crépuscules est ce qu’il appelle son Coup de dés : un ouvrage à tiroirs.

Une phrase-poème qui couvre 30 pages.

Dans les tiroirs :

19 proses pour éclairer les zones d’ombre du Poème.

Le tout accompagné de notes rédigées dans le temps de l’écriture

et d’une postface  signée Jean-Marie Alfroy.

Crépuscules (70 pages) est une ultime tentative pour éclairer les mystères de l’enfance et de l’adolescence de l’auteur, « dans le souvenir lumineux des mardis de la rue de Rome, que connaissent bien les lecteurs de Mallarmé ». Une curiosité !

Voilà, c’est dit. Si vous êtes curieux…

Ci-dessous, au Salon de Rédené (29), l’auteur présente le livre. Et les autres… Peu de visiteurs, mais de belles rencontres !

 

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