( 21 octobre, 2015 )

Feuilles d’automne (octobre 2015)

Les Cahiers de la rue Ventura n’ont pas dit leur dernier mot. Je viens d’aller chercher le n° 30 chez l’imprimeur. Ne soyez pas impatients : je ne ferai le dépôt légal qu’au début de novembre. Les abonnés ne seront servis qu’après l’envoi à la BNF.

Superbe, ce numéro ! Une dossier exceptionnel, consacré à l’éternel jeune homme – Jean-René Huguenin – qu’une mort prématurée a préservé du vieillissement.

Le lecteur trouvera là des textes de Philippe le Guillou, Jérôme Michel, Georges Cathalo, Jérôme Attal, Michel Diaz, Jean Billaud, Jean-Marie Alfroy, Éric Simon, Françoise Vignet, Michèle Lévy, Danièle Duchemin, Jean-Claude Coiffard, Alexandre Le Dinh et… Jean-René Huguenin lui-même !

Trois poètes, d’âges différents (c’est important, en poésie) Monique Christofilis, Ariel Spiegler et Denis Wetterwald, nous emmènent dans leur univers.

Michel Passelergue continue de glisser « Des jours entre les mots ».

Gabrielle Burel réveille l’enfant qui dormait dans sa mémoire.

Et Gérard Paris nous promène dans l’œuvre de Marcel Béalu.

Noël approche. Offrez à vos amis un abonnement aux Cahiers de la rue Ventura.

Envoyez un chèque de 22 € à l’ordre et à l’adresse des Amis de la rue Ventura – 9 rue Lino Ventura – 72300 SABLÉ-SUR-SARTHE.

Pour les textes, adressez-vous au rédacteur en chef : 

adresse informatique : jm.alfroy@orange.fr 

 

Les versions tapuscrites  (juillet d’une autre année)

On se dit (on le dit aussi, au risque de n’être pas cru) : je n’écrirai plus de poésie. Tout va bien : on en est sûr, on va arrêter. Arrêter d’aligner des mots qui disent autre chose que ce qu’ils sont censés dire. Ah, la poésie, cette écriture de l’informulée, d’une langue-mystère qui piège l’être, puisque le message nous est comme dicté. E(Et l’on ne sait plus, relisant l’informe suite de mots quelques jours plus tard, ce que l’on voulait dire.)

Bref, l’on ne devait plus écrire de poésie. Mais, feuilletant un vieux numéro d’Inédit Nouveau, la revue de Paul Van Melle, on s’arrête sur une page que l’on a signée. Deux poèmes pour essayer de cerner l’instant. On relit. Non, ce n’est pas tout à fait ce que je voulais dire.. ; On retrouve sur l’ordinateur le fichier du poème. On commence à modifier le texte. On reste là, devant l’écran, une heure, deux peut-être. On y revient le lendemain. On continue de changer les mots, les phrases. On croit être plus près, maintenant, d’un texte définitif. Va-t-on imprimer, pour en garder mémoire ? Ce qui a disparu sur l’écran de l’infernale machine ? Tous les remords, les trouvailles d’un instant, petits bonheurs de langue, effacés dans la minute qui suit, pour laisser place à une approche que l’on croit meilleure, mais qui disparaîtra à son tour le lendemain – avalées, les multiples versions, par la machine à broyer de l’ordinateur ! C’était là, pourtant, qu’on eût trouvé le sens de la quête, la mémoire d’une recherche qui eût justifié l’existence du poème. Et finalement, cette dernière version, que l’on a cru meilleure, saura-t-on mieux s’y reconnaître ?

Page de mon journal   du 26 juillet 2014)

Entre eux, les écrivains ont parfois la dent dure. Au Père Aubourg de l’Abbaye de Solesmes, Paul Valéry déclare : « Reverdy me fait l’effet d’un pauvre type qui s’égare, qui fait des crottes, mais n’arrive ni ne cherche à lier ses images ». Quant au Père Agaësse, il dit de Paul Valéry : «  Il avait l’air d’un épicier ou d’un employé de magasin… Il était petit, sans aucune distinction ni aucun chic, simple comme un homme de la rue. Et son langage était de même ».

D’un homme déçu, le propos ?  Mais que pouvait attendre un moine d’un écrivain comme Valéry ? Peut-être, simplement, était-il bon observateur –  et Valéry, tel que  notre homme le décrit. (1)

Ah, l’espace entre l’auteur et son œuvre !… J’ai souvent été déçu, voyant pour la première fois un écrivain dont j’aimais les livres…

Roger Martin du Gard, je ne peux savoir. Jeune blanc-bec à peine sorti des troubles de l’adolescence et prêt à m’émerveiller, je l’ai admiré, malgré ses chaussons troués. Mais Marcel Arland… Là, j’ai été subjugué. Pareil au personnage que j’avais imaginé en lisant La consolation du voyageur ou Je vous écris. Ah, Marcel, que n’êtes-vous encore vivant… C’est différemment que je vous aborderais. Vous avez été avec moi d’ne incroyable gentillesse, avec des manières d’homme du monde, bien que né dans un milieu modeste et face à un gamin du peuple. Attentif à mes propos quand je venais vous voir, comme si j’étais quelqu’un. Faisant semblant, de temps en temps, dans vos lettres, de me prendre pour confident. En toute simplicité. Et toujours une suprême modestie. Des écrivains, des hommes comme vous, il n’y en a plus. Jean d’Ormesson, peut-être, dans un autre style. Je ne sais pas. Il faudrait voir…

(1) Solesmes, les écrivains et les poètes, Patrick Hala, Éditions de Solesmes.

Stef et les Goélands…

parut chez Julliard en 1971. La sortie d’un livre en librairie est une vraie catastrophe. Vous avez l’objet entre les mains, vous voilà heureux, comblé. Cela ne va pas durer. Vous vous demandez ce que vous êtes venu faire dans ce monde de jaloux. Vos collègues vous envient et daubent sur vous, entre eux, quand vous n’êtes pas là. Vous naviguez en pleine hypocrisie. Votre livre est honoré d’un prix de l’Académie Française ; cela ne vous rassure pas. Vous inquiète, même. Pendant des années, vous allez traîner le « chef-d’œuvre » comme un boulet. Un artiste, votre collègue au lycée, faisant fi des ragots, peint votre personnage sur un tableau et vous ne reconnaissez pas votre Stef. Êtes-vous flatté ? Même pas.

Une catastrophe, vous dis-je. Le livre est là. C’est fini, vous ne pourrez plus y toucher. Tous les défauts que vous allez y trouver, il sera impossible de les corriger. Avec les années, vous allez progresser, écrire de mieux en mieux, ce n’est pas prétentieux de le dire. Mais Stef sera toujours le même ; maintenant, vous l’écririez différemment, oui, mais il est écrit. On ne peut plus y toucher. Vous comprenez pourquoi de grands écrivains ont renié, brûlé leur premier livre. C’était d’ailleurs se donner beaucoup de peine pour rien : il en reste toujours. Et les héritiers finissent par les retrouver.

Ne parlons pas des posthumes, œuvres inachevées, que leurs auteurs n’auraient pas publiées telles quelles. Ce genre de publication est presque toujours une trahison. Voyez le cas de Camus ou de Gracq. Je sais que certains crient au chef-d’œuvre pour ces deux-là. Pas moi ! Une trahison, vous dis-je

La photo ci-dessous, c’était l’année de la sortie de Stef. Étais-je si fier de moi ? je ne crois pas. Et je continue de ne pas l’être… Ou alors…

Il faudrait écrire sous son vrai nom, mais vivre sous un pseudonyme. N’est-ce pas, Pierre Reverdy ?

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1 Commentaire à “ Feuilles d’automne (octobre 2015) ” »

  1. Gabrielle Burel dit :

    Merci de m’accueillir dans CRV 30
    Rien n’est définitif en écriture et puisque les mots sont vivants… Écrivons !

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