( 29 avril, 2016 )

Rencontre… avril 2016

Je savais bien que j’avais lu ces poèmes quelque part. Et que je m’étais dit : j’aurais pu écrire cela si j’avais eu le talent de leur auteur. Avec Du sable entre les doigts, Paul Couëdel nous parle, en toute simplicité, de la vie, de la pauvreté, de son art (discrètement), et de la mort. C’est une voix fraternelle, qui nous dit des choses banales, comme on en lit dans le journal; on a envie de cheminer avec lui dans le quotidien, qui n’a pas toujours les couleurs de la joie. On se reconnaît dans sa parole. Une rencontre comme on en fait peu.

Il a fallu cet anniversaire un peu exceptionnel, et cette décision que j’ai prise de ne plus écrire de poésie, pour que j’ouvre à nouveau le livre de Paul Couëdel et vous propose…

Nomade sur la terre

je ne fais que passer

d’empreinte je ne laisse

que celles

aussitôt

effacées par le vent

et même mes enfants

oublieront le son de ma voix

 

De passage

déjà passé

ce n’est pas un voyage

cette planète comme mes dires

ignore toute frontière

et mes mots ne s’inscrivent

nulle autre part

qu’en un partage

 

C’est ce que nous dit le poète page 20 de son livre. Et, page 64 :

 

Un granit déjà

Quelque part m’attend

Ou plus simplement

Quelques mottes de terre

 

Une poignée de porte

Sans doute existe

Qui sera la dernière

Que caressera ma paume

 

Des livres à l’odeur amicale

Aux pages tentatrices

Échapperont à jamais

À mon crayon curieux

 

Puis ce sera

Sans le savoir

Que je saluerai cet ami

Pour la dernière fois

 

Et le dernier ruisseau

Qui aura lavé mes pieds

Poursuivra sa course folâtre

Parmi les sages pierres

 

Je vous devine tentés. Vous trouverez ces deux poèmes dans Du sable entre les doigts de Paul Couëdel, paru en juin 2011 aux Éditions du Petit Pavé.

 

Un bonheur de lecture que j’ai voulu partager avec vous…

 

Un beau numéro des Cahiers de la rue Ventura se prépare. Il va paraître en juin.

Puis-je vous rappeler, afin que vos messages frappent à la bonne porte, que…

les textes doivent être envoyés au rédacteur en chef, à l’adresse informatique suivante :

jm.alfroy@orange.fr

et que les abonnements se prennent auprès des Amis de la rue Ventura – 9 rue Lino Ventura – 72300 SABLÉ-SUR-SARTHE (22 € pour un an, soit 4 numéros)

( 12 avril, 2016 )

11 avril 2016 – À tous les amis de la rue Ventura, et de ses hôtes, merci !

10 avril 1936 – 10 avril 2016 : j’ai 80 ans depuis 1h30 hier. Après tout, ce n’est qu’un an de plus que l’année dernière.

Et je ne me croyais pas si célèbre ! Merci aux amis qui m’ont souhaité un bon anniversaire. Mais tant de messages sur facebook ou venus par mail : je ne peux répondre à tout le monde, et j’en suis désolé. Ces marques de sympathie, d’amitié, m’ont beaucoup touché.

Soyez tous remerciés et que le temps qui passe vous soit favorable.

Pour vous, sur la photo, Louna (génie des lieux) et son maître : un moment de tendresse. Et, passé plusieurs fois sur l’établi, un petit poème pour faire revivre de lointaines années.

 

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Exercice de style

… Un tout petit espoir se glisse dans la page, s’étire, fait son nid à l’encre violette. Parlait de notre enfance. Le jour n’en finit pas de vieillir silencieux, dans nos pas. Et dans les encriers de l’école oubliée. Tu cours vers la maison. Tu te rappelles… La lumière peinait à éclairer la pièce. La peur est conviviale dans les ténèbres de l’histoire. On respire. Vous n’aviez… pas d’amis, dit-il. La guerre. On entend à nouveau le canon dans la bouche sanglante du temps. Et l’enfant. Qui pleure. Oui, c’était. Une page tournée. Des ratures de vie. Le jour à l’envers. Et tes doigts tachés d’encre. L’espoir s’est endormi entre les lignes du cahier. Le lit de l’heure est un berceau. Tu te souviens… Nous deux. Et ta main. Dans la mienne. On entend les avions. Le ciel est un métier. La guerre y tisse des éclairs. Et la mort. Ce jour-là viendra bien. L’espoir s’est fait petit, dans l’encoignure de nos vies. Caché dans la pénombre. Demain sera. Demain, ma voix encore. Venue pour toi du fond des temps. Accordée à tous les dires. Regardez : la prairie à l’aube offrait des perles de lumière. Ainsi l’espoir prenait rang parmi nous. Les mots chantaient clair dans le cahier du jour. Des paroles de joie, qui brûlaient dans la brume. Une grande clarté dans l’obscur de nos vies.

                                                                                               Claude Cailleau

(poème paru, en vers libres, sur un site, puis en versets dans un livre. Réécrit en prose, mais en respectant toutes les coupes du vers libre, pour faire mieux entendre, à la lecture, la voix saccadée de l’enfant effrayé par le bruit de la guerre et, plus tard, beaucoup plus tard, l’essoufflement du vieil homme qui parle en marchant dans les guérets du temps et peine à rassembler ses souvenirs. J’ai toujours été sensible à la musique dans le poème.)

 

( 5 avril, 2016 )

Propos de printemps – 4 avril 2016

Car il est bien là, le printemps. Les pervenches envahissent la haie qui nous protège des regards, leurs fleurs d’un bleu de ciel percent à travers le feuillage. Quant au forsythia, il éclaire comme un soleil. Printemps, alors que le vieux poète en est à son automne… Et que l’hiver approche !

Dans une semaine, j’atteindrai un seuil qu’enfant je n’eusse imaginé franchissable : j’entrerai dans le cercle, menacé plus qu’un autre, des octogénaires. On a beau me dire souvent que je ne fais pas mon âge. Je l’ai, cet âge, et cela m’ennuie bien !

Mais ne croyez pas que j’en fasse une maladie. Dans le 451ème Encres Vives paru en février je dis que j’ai su plusieurs fois tourner la page. On tournera celle-là aussi. Et la terre n’en continuera pas moins de tourner.

Patrice Angibaud, poète trop modeste et fidèle lecteur qui entre si bien dans mon univers de création (qui m’impressionne aussi par sa facilité à analyser les textes, à en éclairer les zones d’ombre – et comme je regrette qu’il ait cessé de rédiger des notes pour Texture !)  Patrice Angibaud m’envoie une réaction à chaud après lecture de mon Parcours littéraire atypique. Récompense pour le modeste artisan du verbe que je suis, toujours en situation de recherche sur l’écriture. Merci, Patrice, d’avoir écrit ce qui suit, de me l’avoir communiqué, et de m’avoir autorisé à le publier sur cette page du blog.

Lecture d’ Encres vives n°451 :

Claude Cailleau – « Un parcours littéraire atypique ».

L’ensemble se lit comme un roman. Le roman d’une vie passionnée de littérature, avide de lectures, de rencontres d’écrivains admirés, et avide d’écriture personnelle en parallèle, bien évidemment.

Les œuvres apparaissent dans l’ordre chronologique de leur publication, extraits à l’appui, commentaires de l’auteur sur ses intentions et le but recherché en écrivant l’ouvrage, commentaires et articles de lecteurs et critiques amis.

On pouvait craindre le « m’as-tu-vu », l’autosatisfaction. Rien de tout cela. L’expression simple, mais au plus près, au plus profond, d’une passion intimement, intensément vécue. Avec la présence du doute sur la valeur de ce qui va être donné à lire. Avec, surtout, le travail impressionnant, toujours remis sur l’établi, du texte en gestation. Avec, encore, la volonté de ne pas tomber dans le répétitif, de tenter (avec succès) de nouveaux chemins d’exploration, d’expérimenter d’autres formes d’expression.

Claude Cailleau VIT l’écriture avec une ferveur et une densité contagieuses : on est saisi, happé, au point de ressentir l’envie de lire toute l’œuvre.

Personnalité rare. Haute exigence envers soi-même. « J’écris pour le futur », déclare l’auteur, … »lorsque la main hésitante d’un enfant de plus tard feuillettera le livre où la vie s’interroge ».

En fait, il a écrit et écrit, d’abord, pour aujourd’hui et maintenant. Des livres comme : « Le Roman achevé », « Cocktail de vie », « Et je marche près d’Elle », « Crépuscules » sont sources de nourriture intérieure et d’émerveillement. Ils le seront et le resteront pour demain.

Patrice Angibaud

Vous pouvez toujours commander ce 451ème Encres Vives à Michel Cosem – 2 allée des Allobroges – 31770 COLOMIERS,

contre un chèque de 6,10 €.

 

Énigme du poème…

 

Venues de ta mémoire,

des paroles pour vivre

accompagnent le jour.

D’autres te viennent,

qui te parlent sans dire.

C’est le message d’une pierre,

l’appel menu de la pluie,

le tumultueux silence du soleil,

les mots secrets du vent.

Quoi encore ? Ah, oui, le temps…

Pour un peu d’existence,

apprivoiser la mort.

 

           Claude Cailleau

 

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« Je les ouvre encore parfois, ces bouquins dont la couverture a pâli avec le temps, pour fouler un moment mes chemins de mémoire. »

*******

Jacques Charpentreau, qui est mort le 8 mars 2016, était venu à Sablé en 1988, voir les élèves de mon atelier littéraire, lesquels correspondaient avec lui depuis quelques mois. Je revois ce petit homme chauve, vêtu d’un costume clair, entrer dans la classe où il était attendu, et le bonheur des enfants, visible sur tous les visages. Tout de suite le courant était passé. Je ne dirai pas que le poème qu’il avait écrit avec les élèves m’ait vraiment séduit ; mais il avait, pour les entraîner sur les chemins de la poésie, un enthousiasme auquel il était difficile de résister.

En 2006, après la parution de ma biographie de Pierre Reverdy, il m’avait invité à venir parler du poète à la Maison de la Poésie, rue Ballu. Au 2ème étage, et je m’étais étonné de le voir, à son âge, gravir allégrement le vieil escalier de bois jusqu’à la salle aux murs couverts de livres où je devais parler. J’y suis retourné quelques années plus tard pour évoquer « René Guy Cadou, chantre de l’amour et de l’amitié ».

Lorsque j’ai créé ma revue, il m’a fait régulièrement un service de presse de la sienne, Le Coin de table et m’a demandé en 2010, pour le cinquantenaire de la mort de Reverdy, un article qu’on retrouvera dans le n° 43, sous le titre « Pierre Reverdy, la poésie pour vivre », avec en exergue : « Écrire m’a sauvé », phrase extraite d’une lettre du poète à Jean Rousselot. Et c’est vrai qu’écrire, parfois, peut sauver le poète.

Jacques Charpentreau bataillait ferme pour une poésie que je dirais réfléchie, travaillée, faisant remarquer que la poésie traditionnelle s’était écrite pendant des siècles, alors le vers libre, après 100 ans d’utilisation, montrait déjà ses limites, ouvrant « une autoroute aux médiocres qui n’ont pas vu ses exigences ».

Jacques Charpentreau, rappelant que « la poésie n’est pas qu’une technique », ajoutait : « Cette technique, si elle existe, ne s’apprend pas dans les traités de versification. On la possède en la cherchant dans l’écriture, en la trouvant dans la lecture de poèmes, en l’écoutant en soi-même. Il faut respirer avec le poème ». (Le Coin de table n° 57, janvier 2014)  Tout est dit. On n’est pas poète parce qu’on écrit en vers. Mais je m’arrête, craignant l’irritation de ceux qui trouvent que je parle trop de la poésie.

Que va devenir Le Coin de table ? Va-t-il disparaître avec son maître d’œuvre ?

À la fin de 2015, Jacques charpentreau m’avait offert son dernier livre, de la belle poésie rimée et rythmée. J’aime presque tout dans ce livre ; mais me suis arrêté page 15 sur ces vers où il parle de l’enfant qu’il a été :

« Pourrait-il me reconnaître,

Du grand fond de ce miroir

Où j’aime à le voir paraître

S’il parvenait à me voir ?

Saurait-il qu’un vieux visage

Est le sien dans un autre âge ?

Que j’entends toujours sa voix,

Que je guette son sourire,

Que c’est lui seul qui m’inspire,

Que son image est en moi ? »

Le lecteur qui me suit depuis quelque temps sur ce blog aura compris pourquoi ce poème, ce livre, me touchent particulièrement par ce retour mélancolique aux frontières de l’enfance. Par ces vers de 7 syllabes, aussi (tu vois, Verlaine, le conseil a été suivi) baignés d’une musique douce au charme d’antan.

Lisez ce livre, c’est superbe. De la belle poésie, comme il ne s’en écrit plus !

Un si profond silence, Jacques Charpentreau, La Tourelle, La Maison de Poésie, 18 €

Et voici deux photos du poète à Sablé, pour le bonheur de mes élèves du Collège Reverdy et des écoliers de Gambetta que j’avais invités à venir nous rejoindre. Sur la deuxième, 2ème à partir de la gauche : Jacques Charpentreau. À sa gauche, c’est moi (avec quelques années de moins !) et à l’extrême droite, Georges-Olivier Chateaureynaud. Étaient présents aussi le principal du collège (à ma gauche) et deux éditeurs (Castor Poche et les Éditions de l’Amitié).

Je vous souhaite à tous un beau printemps, éclairé par la poésie.

La poésie est un art parfaitement inutile, disent certains ; mais il est bien qu’elle existe, pour éclairer les jours de quelques-uns.

Cl. C.

               

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