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( 25 juillet, 2017 )

Été 2017 – « Vienne la nuit, sonne l’heure… »

Sommaire de cette page :

Le Cahier 37

Ils nous ont quittés

Page de Journal

Le Cahier retrouvé

 

Au sommaire du Cahier 37, qui va sortir en septembre :

Un dossier sur le Nouveau Roman. Six auteurs se penchent sur ce mouvement qui, nous dit Jean-Marie Alfroy, « a fait long feu ».

Et, bien sûr, les rubriques habituelles : poésie, pages d’enfance, textes sur deux écrivains : Maurice de Guérin et Albert Camus. Le lecteur pourra voir une photo de la tombe de ce dernier, que j’ai prise en 2016, lors d’un passage à Lourmarin. Image d’abandon – d’oubli ? Ingratitude des êtres humains ?

Deux passionnés de littérature qui nous ont quittés : Ce fut d’abord Patrice Fath, le directeur de la revue Littérales et de la maison d’édition du même nom. Patrice, qui présida pendant plusieurs années aux destinées de l’Association An Amzer, m’avait accueilli dans sa revue dès les débuts. Il avait même accepté de faire paraître dans ses pages mon Traces, expérience, unique apparemment, de trois réécritures successives d’un poème. J’avais toujours plaisir à bavarder avec lui dans les salons du livre auxquels nous participions.

Le deuxième, Paul van Melle, c’était d’abord une voix, chaleureuse, pleine d’attention, quand il me téléphonait depuis sa lointaine Belgique. On était bien en sa compagnie ; sa voix faisait oublier la distance. Et c’est curieux : en l’écoutant, on se faisait sans doute une idée fausse de sa personnalité. Ceux qui l’ont approché parlent d’un homme exigeant, intransigeant, difficile à aider à cause de son caractère entier. Inédit Nouveau, sa revue, sous les dehors très simples d’un paquet de feuilles A4 agrafées, renfermait des trésors. Paul Van Melle était un homme de grande culture, toujours curieux des nouvelles parutions ; Son « À tous mes échos » offrait un riche panorama de la littérature contemporaine. Passionné et passionnant, le vieil homme a tenu la barre de sa revue jusqu’à la fin. Son ami Patrick Devaux, qui l’assistait autant qu’il pouvait dans son travail, vient de faire paraître le dernier numéro d’Inédit Nouveau, le 283, composé pour partie d’hommages mais qui présente aussi huit feuillets encore préparés par le vieux revuiste qui intitulait son édito : « Un presque dernier éditorial ».  Il ne savait pas que ce devait être son ultime message. Orphée est parti rejoindre son Eurydice – cette phrase parlera à ceux qui lisaient Inédit Nouveau.

Comme je tapais ces lignes, je me suis dit : combien de disparus depuis que j’ai créé Les Cahiers de la rue Ventura ? Et l’image m’est venue comme ça, toute seule : ma mémoire est un cimetière. À notre époque, où l’incinération est à la mode, de l’homme rien ne reste après sa mort, qu’un peu de cendre, que les proches s’empressent d’éparpiller en des lieux divers. Les livres même s’enfoncent dans l’oubli des bibliothèques, ou traînent sans égards dans les caisses des « bric-à-brac », livrés à la poussière ou à la pluie. Les œuvres inachevées dorment dans des placards. Yvette Simon – Simonomis me disait qu’elle n’avait pas le courage de fouiller dans les papiers de son mari. Que sont-ils devenus après sa mort ?

 

Pour qu’il reste quelque chose de nous – au moins un moment – quand nous ne serons plus, lisez…

 

Au fond de nos yeux, l’ouvrage d’Yvon Kervinio, superbe album de photos d’auteurs contemporains, avec en regard un poème de chacun. C’est beau et parlant. On lit beaucoup de choses dans un regard.  On trouve là Guy Allix, Marc Baron, Jean-Pierre Boulic, Claude Cailleau, Gérard Cléry, Chantal Couliou, Jean Lavoué, Roland Nadaus, Morgan Riet, Bruno Sourdin, etc. L’Aventure Carto, 23 €,  port compris.

inédit nouveau

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Mon journal…  Fragments

Un jour, je publierai ce journal qui commence en 1995, après l’autodafé du précédent. Il y est question de la vie quotidienne mais surtout de littérature.

En voici quelques fragments…

Sans date – Dune, la chienne de Nathalie, a pris l’habitude de venir se reposer sur le fauteuil de mon bureau quand je travaille. De ma table, je la vois, couchée près de la fenêtre. Une présence silencieuse. Toujours un œil à demi ouvert, guettant le moindre de mes mouvements, ou bien confiante dans mon silence studieux, le menton délicatement posé sur l’accoudoir.

22 janvier 1997 – Je n’aime pas attendre. Où attend-on, maintenant, plus que chez le médecin ? Hier, pour passer ce moment désagréable, j’avais emporté les Lettres de France de Marcel Arland (Albin Michel). Jolie couverture bleu tendre. Mais surtout le plaisir de retrouver la langue si pure, si distinguée, personnelle, d’un écrivain quelque peu oublié. Je sais bien pourquoi : trop de douceur, de pureté, de sentiment. Trop de discrétion.

Arland n’aimait pas Hervé Bazin. N’aimait pas ses livres, je veux dire. Il ne s’agit pas, évidemment, de l’homme. Mais l’écrivain, Arland l’attaque, le critique à plusieurs reprises. Il l’appelle Monsieur Hervé Bazin, alors qu’il nomme les autres écrivains par leurs prénom et nom. Je vois là du mépris. Et je crains bien que, de l’œuvre, il passe à l’homme, avec les mêmes sentiments.

Avec Robert Merle, c’est plus nuancé., bien que l’auteur n’ait pas droit au méprisant Monsieur. Week-end à Zuydcoote n’a vraiment aucune chance devant le puriste qu’est Marcel Arland. Je comprends qu’il ait été choqué par la langue de Merle. Les gamins des années 50, à l’É. N. du Mans, l’avaient été aussi, même si, pour faire les durs, ils en rigolaient devant les copains. « Les mots grossiers n’y manquent pas, qui ont trait aux attributs virils », écrit Marcel Arland, qui ajoute : « C’est un langage si naturel… Pourtant il nous apparaît comme un langage de convention, l’un des plus extérieurs, l’un des plus vides … au risque d’oublier l’homme derrière son apparence… »

19 février 1997 – Acheté le NRF de février. Depuis que Bertrand Visage en est le rédacteur en chef, la Revue a changé. « On y trouve même des photos », me disait Guy Rohou, qui collabora à la NRF au temps d’Arland. Pas de photos dans ce numéro. Quelques illustrations, cependant. Et deux textes qui me l’ont fait acheter : l’un de Régine Detambel sur Colette ; l’autre, des notes de l’auteur phare de la NRF au début du siècle : André Gide. Il s’agit là du Journal d’URSS, inédit jusqu’à ce jour, et dont Martine Sagaert, qui le présente, nous dit que Gide l’écarta « au profit du Retour d’URSS ». Rien de bien extraordinaire. Rien qui fasse mieux connaître Gide. Je n’y retrouve même pas le style si particulier d’un auteur que j’admirais tant jadis et contre lequel Martin du Gard m’avait mis en garde dans l’une de ses lettres. La forme adoptée (des notes lapidaires, comme écrites en marchant pour ne pas oublier) ne se prête guère aux longs développements, aux belles phrases bien charpentées. Peut-être que le sujet ne le méritait pas non plus. Finalement, ces phrases pourraient être « de n’importe qui » !

13 avril 1997 – Je faisais des fagots avec les branchages coupés dans les chênes cet hiver. Fatigue et sueur. Je pensais à mon père qui, en plus de son travail de la semaine à l’usine, le samedi après-midi et le dimanche, « faisait du bois », comme il disait. Jusqu’à 65 ans au moins – âge où il prit sa retraite – il procéda ainsi. Aucun repos. À peine, chaque année, quelques jours de vacances, à la mer ou dans la famille. Rude bonhomme ! Et quel travail : s’attaquer à des haies épineuses, à des arbres, souvent des chênes, avec pour armes une simple hache, une scie à main, un croissant. La fatigue, il en parlait rarement, lui qui ne s’arrêtait jamais. Le fruit de son travail du dimanche, il le partageait avec le propriétaire des champs. Moitié, moitié. Ainsi, à la maison, jamais, même par les hivers les plus froids, nous n’avons manqué de bois pour nous chauffer, nous qui n’avions pas les moyens de nous en acheter.

J’allais oublier…

 

Le Cahier retrouvé…

Au 21ème siècle, un livre meurt très vite. Dès qu’il n’est plus demandé par les libraires, l’éditeur s’empresse de le pilonner. Un livre en chasse un autre ; sa survie est sans doute dans le livre de poche, qui lui assure une plus large audience. Mais ceux qui n’accèdent pas à cet honneur meurent très vite. En 2004, j’avais publié aux Éditions du Petit pavé un récit (je ne dis pas un roman). Il fut salué par quelques articles dans les journaux, mais ne connut pas les ventes que j’avais espérées. L’intérêt d’une publication chez un petit éditeur (disons : un éditeur indépendant), c’est qu’il ne pilonne pas. Le livre lui coûte trop cher pour qu’il le détruise. Il reste donc quelques exemplaires de cette première édition ; mais ils ont mal vieilli. Au Petit Pavé, on m’a autorisé à donner une seconde vie à ce récit en le publiant à nouveau.

Je me suis donc mis au travail. Remanié, densifié, le livre reparaît sous la forme d’un hors-série des Cahiers de la rue Ventura. Je l’ai voulu très sobre dans sa présentation, souple à la main, s’ouvrant bien pour ne pas gêner la lecture.

Il est en vente chez les Amis de la rue Ventura (10 €, port compris)

Le Cahier retrouvé

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