( 2 mai, 2018 )

Printemps 2018 : une revue, un livre…

Oui, les Cahiers de la rue Ventura ont vécu. Mais mon autobiographie paraît ce mois. Une mort, une naissance : allons, tout n’est pas perdu.

Parlons du livre, d’abord. Mes lecteurs le savent, tous mes textes longs ont une base autobiographique. Certaines pages de l’ouvrage ont été écrites dès les années 1990, alors que je n’avais pas encore décidé de publier à nouveau. En 2002, préparant un dossier « Récit d’enfance » pour la revue La Faute à Rousseau, Philippe Lejeune m’avait sollicité pour un texte que j’ai intitulé « Je lui parlerai du petit… » Je reproduis ici la première partie de l’article parce qu’il explique bien les aspects de mon projet et mes premiers essais pour le réaliser.

Ecrire son enfance.

  Je n’avais rien prévu. Aucune recherche préalable. (J’ai pourtant quelques archives, et des photos.) Un jour, j’ai pris mon vieux stylo – le même depuis dix ans – et j’ai commencé.

  Ce qui est venu au bout de ma plume  -  et je n’y pensais pas trop  -  c’est une sorte de poème, des lignes interrompues arbitrairement, mais chargées d’images, comme en poésie. Court. Quelques lignes, avec une chute, comme dans une chanson. Le lendemain, même démarche, même résultat. Je ne savais pas que j’avais commencé d’écrire mon enfance.

  Ces textes ? De tout petits flashes, de brefs souvenirs, que je n’avais pas envie d’exploiter plus profondément. Je les recueillais tels qu’ils me venaient, surgis de cette nuit profonde dans laquelle s’est noyée notre enfance. Je n’avais souci d’aucun ordre. Dans l’un des textes, j’avais 3 ans, âge de mon premier souvenir, dans le suivant : 10, dans le troisième : 5. Un puzzle, je rassemblais les morceaux d’un puzzle.

  Puis j’ai commencé à relire ce que j’avais écrit. Et je me suis aperçu d’une chose étrange : de texte en texte  -  je les appelais alors des pavés  – j’étais passé de la photo au film. Je veux dire que les scènes figées du début laissaient peu à peu place à de brefs récits où le personnage ne posait plus, mais agissait.

  Revenant alors sur les premiers textes, je les ai accompagnés de développements qui prenaient un tour narratif. Quand j’ai eu pris conscience du problème que représentaient les premiers pavés pour la cohérence de l’ensemble, ces ajouts n’ont plus été nécessaires. J’étais parti pour un voyage au long cours qui me ramenait plus d’un demi-siècle en arrière.

Cet enfant des années quarante, peu à peu je lui redonnais une existence. Je retrouvais ses craintes, ses hantises même ; ses pauvres joies de môme solitaire. Entouré mais seul. Je l’aimais bien, ce gamin de la guerre et de la rue. En lui je me reconnaissais. Ses expériences, ses succès, ses échecs, jour après jour, se sont gravés en moi, dans une mémoire stagnante, sortes de sédiments-souvenirs dont je me suis nourri pour vivre.

Cl. cailleau, La Faute à Rousseau n° 32, février 2003

Pour titre, depuis toujours j’avais choisi une expression très sèche : Mémoire vive, pensant à cette enfance toujours présente dans ma mémoire. L’éditrice a proposé Le vieil homme qui se souvenait... J’ai accepté.

Je suis donc heureux de vous annoncer la sortie du livre en ce début de printemps. Mon enfance et mon adolescence, pendant et après la guerre (de 1939-1945). Période d’incertitudes, de craintes et d’espoir, de lutte pour survivre.  Occasion aussi de présenter un tableau de la vie quotidienne à cette époque, si différente de la nôtre.

Vous trouverez ci-dessous une présentation du livre. Je précise que la 4ème de couverture a été rédigée par l’éditeur. Seul le premier texte est de moi. Ceux qui me connaissent sauront que je n’aurais pas pu écrire la suite.

L’ISBN est précisé : si vous souhaitez m’accompagner dans cette évocation de « l’enfant que j’étais », vous pourrez commander le livre chez votre libraire ; mais aussi sur le site de Large vision éditions Encre Bleue où il est proposé avec une réduction de 5%. L’objet est beau, composé de feuillets cousus collés, avec un papier anti reflets, pour faciliter la lecture. N’étant plus très jeune, j’ai pensé aux lecteurs âgés, parfois malvoyants. Mais qui voit bien peut aussi lire…  Votre confort de lecteur n’en sera que meilleur.

Le vieil homme qui se souvenait… Claude Cailleau,

Éditions Encre Bleue, collection Largevision, histoires de vie

ISBN : 978-2-84379-754-5

Vous trouverez tout cela sur le site de la Maison d’édition.

Livre 2

La défunte revue, maintenant…

À mes élèves de troisième, je disais : le style, c’est l’art d’utiliser la langue. Définition un peu sèche, mais je donnais un exemple. Vous savez… Quand vous voulez dire que quelqu’un est mort, vous pouvez écrire : « il est décédé » (c’est un constat, sans plus – mention d’état civil). ou : « il s’est éteint » (vous atténuez : une mort douce, peut-être, après une longue lutte pour survivre) Ou encore : « il a péri » (une mort violente) Ou : « il vient de disparaître » (comme si on avait peur d’énoncer le fait dans son aspect définitif) ou enfin, mais on pourrait imaginer d’autres formules : « il a vécu » ( en insistant sur la perte du bien précieux qu’est la vie, avec ce passé composé d’une action terminée), ou « il n’est plus » (un peu maniéré – délicatesse et préciosité). Quant au Robert, il dit que le style est « l’aspect de l’énoncé qui résulte du choix des moyens d’expression déterminé par la nature et les intentions du sujet parlant ou écrivant » (citation de P. Guiraud). J’imagine l’attitude de mes élèves, se grattant la tête, débordés par les mots. Cette définition du Robert, pourtant, me semble presque parfaite, n’était la phrase qui s’étire, s’envole dans l’abstraction.

Quant je dis : « les CRV ont vécu », on voit bien que la formule a été pesée. Je n’écris pas : « ils s’arrêtent », ce qui supposerait que je ne suis pour rien dans cette fin – ou : « ils ont coulé » (ce qui supposerait une lutte contre des éléments déchaînés avec pour dénouement le naufrage). Non, pas de tempête au sein des Cahiers, tout allait bien. Aux amis, j’ai écrit : « Je coulerai les CRV en juin 2018 », ce qui montrait que la décision, c’est moi qui l’ai prise, plus d’un an avant l’événement, d’ailleurs,  et celui-ci a même été avancé : le n° 40 est parti en avril vers les abonnés. Il faut dire que pour la Revue, nous travaillions par anticipation, souvent un an avant la sortie d’un numéro.

Les Cahiers ont vécu, donc. On ne versera pas pour autant une larme : elle serait hypocrite. Satisfaction (autosatisfaction, corrige Claude Vercey qui la trouve gênante). Je ne dirai pas cela. Je suis un homme modeste ; quand des poètes reconnus me confient des textes, je m’émerveille comme un enfant. C’est que je ne me prends pas pour un personnage important. Je suis heureux sur l’instant et je le dis. Simplement. Naïvement. Autosatisfaction… dire cela, c’est mal me connaître. Je parlerais plutôt de reconnaissance. Mais, quand je regarde les quarante numéros sortis en 10 ans, permettez-moi de trouver que, quand même, ce n’est pas si mal – et de le dire. En remerciant tous ceux qui m’ont aidé dans cette tâche ingrate.

Bon ! Parlons du Cahier 40. Le 39 est épuisé. Nous avons même dû réimprimer. Le 40, vous pouvez encore le commander, aux conditions habituelles (6 €, port compris), mais seulement jusqu’au 30 juin. Le budget de l’Association sera clos à cette date.

Et il est original, ce dernier numéro : vous y trouverez, outre une importante étude sur la poésie contemporaine de Gérard Mottet (les paradoxes de la poésie),  des textes inédits de Mathieu Bénézet, Jean Orizet, Jean-Michel Maulpoix, Marc Alyn, Marie-Claire Bancquart, Antoine Emaz, Alain Duault, Jean-Pierre Lemaire, Richard Rognet, Monique Labidoire, Jean-Claude Pinson.

Et ceux des amis : avec Monique Labidoire précédemment citée, François Baillon, François Magne, Jean-Marie Alfroy, Danièle Corre, Jean-Louis Bernard, Philippe Fouché-Saillenfest, Pierre Garnier, Michel Diaz. Ce dernier m’a consacré une chaleureuse « Lettre ouverte à Claude Cailleau ». Sans oublier Patrice Angibaud, fidèle lecteur et ami, qui donne sa lecture du 451ème Encres Vives. Tous ces noms pour un seul numéro : je prévois un sourire sur le visage de Claude Vercey quand il va tomber sur ces propos : le directeur des Cahiers est content de lui, certes, mais ne portons pas de jugement sur cette réaction. Chacun de nous est une énigme – moi, plus que quiconque : mon « côté mystérieux, un peu sphinx », c’est Jean-Marie qui le dit, fort justement, dans une lettre – interpréter un comportement, c’est s’aventurer sur un terrain glissant. Sans rancune, Claude ; je te remercie d’avoir assuré à plusieurs reprises la présence de ma revue et parlé de mes livres sur le site de Décharge.

Je vous parlais il y a un instant de Jean-Marie Alfroy. Il a créé récemment un blog dans lequel il parle avec maestria de littérature, et d’art en général.  Je vous conseille de visiter ce blog : on en sort toujours enrichi.

Je vous quitte sur ce conseil. Prenez soin de vous, comme le dit Samuel Étienne, l’animateur de l’émission « Questions pour un champion ».Et que le printemps vous soit favorable !

Cl. C. (Souhait empreint de naïveté : mon rêve serait qu’on me reconnaisse à mes seules initiales. Reverdy, lui, signait ses dédicaces d’un simple P R )

Couv 40

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