( 29 juin, 2018 )

Juin 2018 – Le vieil homme se souvient…

Sommaire :

1 – Patrice Angibaud a lu mon livre.

2 – Je reviens sur mes chemins de lecture…

3 – j’ai choisi pour vous quelques pages de mon journal.

 

Le vieil homme qui se souvenait… (Éditions Encre Bleue)

Mon ami Patrice a été un des premiers lecteurs de mon chef-d’œuvre. « Émouvant et remarquablement écrit », d’après l’éditrice. Mais peut-on croire une petite éditrice ? J’aurais dû proposer mon manuscrit à Gallimard ou au Seuil ! (vous aurez compris que je plaisante). Le 9 mai, Patrice  m’écrivait :

« J’achève de lire Le vieil homme qui se souvenait… et je ne résiste pas à l’envie de vous dire combien ce livre m’a enthousiasmé. Un enthousiasme qui provient peut-être du fait que je vous connais et que j’ai été heureux de découvrir votre enfance et l’univers dans lequel vous avez évolué. Explication insuffisante : n’importe quel lecteur peut se laisser prendre par la main et vous suivre dans cette évocation.

Cela tient d’abord au style que vous avez adopté : simple, proche du langage oral, vulgaire parfois (il faut appeler un chat, un chat et la merde, la merde), parfaitement adapté à cet environnement du petit. Le second élément qui fait de ce récit une réussite réside dans le procédé arrêts sur images,  flashs, et dans le passage d’une date à une autre, dans la juxtaposition enfin du regard de l’enfant et du vieil homme qu’il est devenu.

Cet apparent désordre nous vaut de passer ainsi des activités quotidiennes d’une vie difficile, à des portraits singuliers (Coco bel œil , Belles fesses, la mal-pendue, Rico), le plus souvent pathétiques ; mais également à de très beaux tableaux : le père et l’enfant, tôt le matin, dans les rues d’une ville ou passant une journée à la pêche ; voire de véritables récits : la mère voulant se jeter dans la rivière, le bicard.

Une manière linéaire de raconter tout cela aurait pu être source d’ennui, l’alternance des époques et des genres crée une dynamique du texte et relance sans cesse l’intérêt. Je n’oublie pas non plus l’évolution du petit et l’affirmation de sa personnalité : du non ! qui arrête la gifle du père à sa décision de faire avec le plomb que la société venait de coller à ses semelles. Une personnalité faite aussi d’une grande attention aux autres et d’une profonde humanité : qualités que le vieil homme a su garder, je peux en témoigner ! Il y aurait beaucoup d’autres choses à dire, tellement ce livre est riche… »

Patrice Angibaud

Après Tant perdu et Les Tessons du temps, Patrice Angibaud publie cette année aux Éditions Gros Textes, Avant que ne se ferme le paysage, recueil au titre hautement symbolique. Vous trouverez toutes informations sur le livre en consultant le site de l’éditeur. 

Quant à moi, je vous invite à découvrir en avant-première deux poèmes de Avant que ne se ferme le paysage. Voilà…

Tu rends visite à ton ami

Le vieil homme

De la maison de retraite

 

Au moment de partir

Tu lui serres doucement

La main en promettant

De revenir

 

Il dit au revoir

À bientôt

 

Visage presque impassible

Si ce n’est l’esquisse

D’un sourire

Qui répond

À ton propre sourire

 

Mais il y a la trahison

Du regard

Dans lequel tu peux lire :

Reste encore

Reste plus longtemps

Ne me laisse pas

 

Face à la solitude

Au silence de l’effroi

Face à la mort

Qui

D’un pas léger de louve

S’approche de moi.

 

***

 

Tu marche et devines

À ce souffle nouveau

Dans ta poitrine

Que pour la première fois depuis longtemps

Le paysage est ouvert

Qu’il suffit de marcher marcher encore

Pour aller au bout de toi-même

Et plus loin et savoir

 

Rien ne compte désormais

Hormis ce sentiment soudain

D’être à hauteur des arbres

Plus libre que la lumière qui s’infiltre partout

Et révèle cette pensée

Clé perdue au fond de la mémoire :

 

Tu aimes cette terre

Toujours renouvelée

Sa puissance de vie

Qui nourrit ton regard

Au point que tu te prends à rire et à sautiller.

 

Patrice Angibaud

 

Lisez, et relisez. La poésie, c’est tellement mystérieux qu’il faut revenir sur ses pas pour ne rien manquer du message. Un poème dit toujours beaucoup plus qu’on ne croit. Et l’ami Yves Artufel, éditeur, attend votre lettre : commandez-lui le livre. 6 € (plus 1 € de participation aux frais d’envoi)

Yves Artufel – Éditions Gros Textes – Fontfourane – 05380 CHÂTEAUROUX-LES-ALPES

Quant à moi, je vous invite à vagabonder dans mon enfance. Période d’incertitudes, de craintes et d’espoir, de lutte pour survivre. C’était la guerre. Occasion aussi de présenter un tableau de la vie quotidienne à cette époque. Tellement différente de la nôtre aujourd’hui.

Vous pouvez commander le livre à :

Largevision Éditions

diffusion distribution Encre Bleue éditeur

66 avenue Franklin Roosevelt

11000  CARCASSONNE

Accompagner la commande d’un chèque de 27,10 € (23 € +4,10 € de port) à l’ordre de Largevision Éditions.

 

Sur la photo, le désordre de mon bureau, mais ne vous y trompez pas : désordre organisé. Sous le livre de Patrice, le manuscrit du livre en cours d’écriture. Trente-neuf pages déjà. Ça devrait faire un gros bouquin. J’espère qu’il ne restera pas dans un tiroir, comme Yves en hiver, un roman que je n’ai jamais eu le temps de réécrire (réécrire… parce qu’on fait des progrès, quand même, en 50 ans !)

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Je reviens sur mes chemins de lecture   

Libéré de cette revue qui me volait tout mon temps, lassé par les flatteurs dont les lettres tombaient par paquets dans ma boîte, et dont les mails inondaient l’écran de mon ordinateur, je vois avec plaisir ( ? ) s’installer un silence propice au travail. L’ingratitude est une grande qualité humaine. Seuls, quelques amis continuent de m’accompagner dans mon parcours d’écrivain toujours dans un état de doute – ce qui m’a fait jusqu’à ce jour changer d’éditeur pour chacun de mes livres afin de passer à chaque fois l’examen et de me rassurer – ceux-là, je les remercie, leur présence, même lointaine, est un grand encouragement alors que je reviens avec appréhension sur mes chemins de lecture.

Depuis mes 7 ans, qui me virent plongés dans un petit bouquin de contes, jusqu’à ces derniers temps, où j’asséchai mon budget livres pour acquérir Les Œuvres complètes de Louis-René des Forêts, celles de Georges Perros et le Journal de Matthieu Galey, trois énormes bouquins (Respect, Messieurs : ça, c’est ce qu’on appelle une œuvre !) et le Pléiade de Philippe Jaccottet (une somme : d’un intérêt inépuisable), d’autres aussi : le Journal de Philippe Delerm, léger, et l’indigeste Vous écrivez ?  d’Arrou-Vignod qui vous assomme de banalités présentées comme des découvertes – depuis ce temps, donc, les années se sont succédé. Avec des bonheurs de lecture, des rencontres exceptionnelles. Pour moi qui n’aurais pas fait 100 mètres, ni même un seul pour avoir une dédicace de Ronaldo ou de Barthez (quoique lui…), des lettres de Roger Martin du Gard, de Marcel Arland, d’Henri Troyat, d’Hervé Bazin, de Julien Gracq (il y en eut beaucoup d’autres) c’est l’inestimable trésor que m’ont apporté les années.

Et j’ai entrepris de parcourir à nouveau cet exceptionnel chemin de lecture qui a été l’occasion de revisiter les lieux de vie et d’écriture de tous ces auteurs. Il y a, dans les maisons d’écrivains, quelque chose d’indicible qui flotte, même dans celles où il n’y a plus rien, comme la Tour de Montaigne, par exemple.

Un livre, à la demande d’un de mes éditeurs. Et je ne suis pas sûr de répondre à son attente. Trop personnel, peut-être. Le manuscrit commence par cette phrase : «  Chez mes parents, il n’y avait pas de livres… », alors que dans la maison de notre retraite ils ont envahi les deux bureaux, occupent tout un mur du salon, squattent les chambres et la salle de jeux de l’étage. Un livre, donc, à venir. Le dernier, peut-être… Qui sait ?

 Et maintenant une ou deux pages de mon journal– la première, étrange, un jour d’orage dans ma tête… Je n’étais pas très gentil avec mes semblables.

 20 juin 2017– Ce type – un vieux, déjà – venu à la maison de la presse de Sablé (c’était dans les années 70 sans doute) dédicacer son bouquin, un roman larmoyant. Très digne, quand même, dira-t-on. Sujet sensible. Assis à une petite table. Bataille, il s’appelle. (« s’appelait : il doit être mort maintenant) Michel, peut-être – et son livre : L’arbre de Noël (quelqu’un en a tiré un beau film avec Bourvil, merveilleux acteur, aussi bon dans le tragique que dans le comique – un film à faire pleurer dans les chaumières.) « J’ai pleuré, oh, j’ai pleuré… » c’est comme ça que ça commence, je crois – pas le temps de vérifier, le bouquin est quelque part sur les rayons, à la lettre B, là-haut, près du plafond et il faudrait que je prenne l’escabeau – dangereux à mon âge ! Je m’y risque pourtant de temps en temps. Un type aux cheveux gris, à la table. Je m’approche, lui parle. Il me fait répéter… une fois, deux fois. « Pouvez-vous parler plus fort ? Je hausse la voix. Pas suffisant. Il ne comprend pas. Pas envie de gueuler : il y a des gens autour, qui attendent pour une signature du Maître. Il me montre une feuille et un crayon à bille. Sur la feuille, il y a des prénoms et des noms. Nécessaire pour la dédicace, s’il est sourd comme un pot, mais indiscret. Gênant pour moi qui suis un vieux Sabolien : j’en connais beaucoup, de ces braves gens dont le nom figure sur le papier et qui voulaient un mot écrit de la patte de l’écrivain. Pour le montrer fièrement à leurs copains, à l’heure de l’apéritif. Comme je ne veux pas ajouter mon nom sur la feuille et que je veux quand même qu’il écrive quelque chose – c’est maladif chez moi, cette quête de la dédicace – je sors ma carte d’identité. Il se penche sur le carton. Est-ce qu’il serait myope, en plus ? je trouve qu’il approche son nez bien près de la carte. Bon, il écrit. Je paie et je pars.

À la maison, j’ouvre le bouquin, un beau livre relié, cartonné de rouge (non : « cuiré », devrais-je dire, le carton est couvert d’une peau, c’est du luxe). Je lis les pattes de mouche du bonhomme : « Pour Claude Cailleau, en témoignage d’estime et avec les meilleures pensées de… » Au-dessous, un gribouillis qui doit être sa signature, et la date.

Il ne me connaissait pas, ce vieux type. Comment pouvait-il savoir si j’étais (je suis) « estimable » ? Quant à ses pensées à mon égard… Il se foutait bien que je me fasse balancer par une bagnole en sortant de la boutique avec son bouquin. L’essentiel, c’était que je l’aie payé , ce qui lui vaudrait, à lui, son petit droit d’auteur. Peut-être qu’il attendait ça pour remplir son frigo, acheter sa douzaine d’œufs chez son crémier. Je me suis dit : Quelle connerie, les dédicaces ! Ce qui ne m’a pas empêché de dédicacer à mon tour, plus tard. Et d’écrire pour tout le monde la même chose. Sauf aux amis proches, bien sûr. Mais… dans les salons il m’arrive de dire à un acheteur qui me demande une dédicace : « Vous savez, j’écris comme un cochon. Et ça ne va pas donner plus de valeur au bouquin. » Minute de vérité. Certains acceptent que le livre reparte vierge, d’autres s’obstinent… et je signe !

Sur le livre de Bataille, que finalement j’ai repris en main, on lit au début : « Nul n’a pleuré plus loin que moi… » Quand je vous disais que c’est larmoyant.  Mais sa phrase est plus belle, plus accrocheuse  que la mienne. On a envie de continuer.

Voilà mes pensées ce matin, telles qu’elles me sont venues, de vieux souvenirs plutôt, dans le désordre d’un esprit non contrôlé. Transcrites au fur et à mesure qu’elles naissaient. Pour plus de naturel. C’est toujours ainsi qu’il faudrait écrire son journal. Des phrases décousues, sans aménité. Sincères, donc. L’Arbre de Noël a retrouvé sa place sur le rayon, là-haut, hors de portée. Il dort, depuis, son sommeil de bouquin oublié.

Je pensais glisser là une deuxième page, mais ce propos de juin 2018 est déjà assez long. Une autre fois, peut-être…

Dehors, les roses éclairent à nouveau le bord de la cour et le chèvrefeuille sauvage a envahi la haie.

 

À vous tous, bonnes vacances !

 

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